Pour
situer le décor, Madeleine SIRGUEY, épouse de Raymond ISNARD, fils d’Eugène,
après le décès de son mari en Novembre 1939, rejoint la Touraine, et fin 1940,
s’installe dans une petite ferme à JOUE les TOURS. Michel le fils aîné fait le
gros travail, Mathilde à en charge « la vache » qui améliore
l’alimentation. Madeleine écrit à Gaston, son beau-frère, mais aussi
subrogé-tuteur des enfants de son frère.
De Mathilde à
son oncle Gaston,
... Ici nous ne manquons pas de trop ;
ce qui nous prive le plus est certainement le pain. Certainement qu’en ville,
il en est beaucoup qui ne mangent pas tous les jours à leur faim.
... Nous recevons en moyenne 25 kgs de
charbon tous les 2 mois lorsqu’on a pas de gaz. Nous restons cependant parfois
2 à 3 mois sans rien
... Pour mon rayon, la vache, il n’y a
pas à se plaindre. Je crois que nous n’avons pas fait une mauvaise acquisition.
Malheureusement, pour elle comme pour les autres, la nourriture n’est pas
complète ; je manque complètement de tourteaux. J’avais réussi à obtenir des
drêches de brasserie, qui faisaient merveille, malheureusement, la brasserie
s’est arrêtée faute de grain.
A Monsieur le directeur des Engrais
d’AUBY de son agent à TOURS
23 septembre 1941
Monsieur le Directeur,
... Afin d’être agréable à un ami de Monsieur
DELVAL, je me mets en rapport avec Monsieur ISNARD, et je fais tout mon
possible pour lui procurer de l’AUBY, quoique ceci soit assez délicat si, ni
lui, ni son prédécesseur n’étaient clients de la marque auparavant, ce que je
ne pense pas. Cependant la répartition étant assez libérale en Indre et Loire,
j’espère trouver un moyen pour donner satisfaction à Monsieur ISNARD.
5 octobre 1941
Monsieur le Directeur,
Suite
à votre lettre, j’ai vu hier Monsieur ISNARD. Celui-ci a succédé à un cultivateur
qui n’employait presque pas d’engrais. D’autre part il a défriché 5 hectares de
terre, je pense rester dans la légalité en lui livrant 10 sacs de 5.8.10 dans
mon groupage 16 de la gare de Notre-Dame d’Oé.
Je
suis heureux d’avoir pu ainsi rendre service au neveu d’un ami de Mr DELVAL,
d’autant plus que celui-ci me parait particulièrement digne d’intérêt, et qu’il
était dans l’impossibilité de trouver de l’engrais pour sa petite exploitation
qui en a le plus grand besoin.
...Nous avons la vache, ce qui permet
d’améliorer sérieusement l’ordinaire ; il était temps, Michel a maigri de 9
kgs....moi, j’aime mieux ne pas me peser.
... Etes-vous ravitaillés à peu près ?
Si tu manques de nourriture dis-le et envoie des tickets. Je ferais mon
possible pour t’envoyer quelques paquets. Tante Lili (**) m’a écrit pour me
supplier de leur en envoyer...
...Je pourrai peut-être envoyer de
temps en temps quelque chose à Madame ROGEZ(*), mais régulièrement c’est
impossible, et dans les fermes environnantes, ils sont tellement assaillis par
toutes leurs connaissances, qu’il n’y à rien à trouver. Les gens viennent
supplier, pour des malades, des enfants ......Si Huberte veut me renvoyer
l’adresse de Mme ROGEZ (je l’ai perdue), je pourrai lui envoyer un ou deux
kilos de haricots sur nos provisions qui sont assez copieuses ; cela vaut je
crois dans les 12 frs le kilo. J’expédie de temps en temps un colis à tante
Lili(**), qui a une peine infinie à trouver l’indis-pensable pour elle et ses
enfants
... Je termine vite. Je veux profiter
du Dimanche pour aller à Tours voir papa et lui porter quelques oeufs, c’est le
plus clair de sa nourriture.
***
(*) La maman d’Huberte, épouse de
Gaston, fils d’Eugène
(**) Probablement Elisabeth, veuve de
Félix GAIFFE, professeur à la Sorbonne et oncle maternel de Madeleine