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SOUVENIRS D’ENFANCE

 par Bernadette, fille d’André


 

                Mieux qu’un commentaire impersonnel, ce témoignage de Bernadette reflète bien les qualités paternelles d’André, mais aussi ses qualités d’homme d’action et de décision.


                Ce que je retiens de plus extraordinaire chez mon père, c’est la volonté de nous rendre heureux quelques soient les événements de la vie et le nombre que nous étions.

                Ainsi rien ne l’arrêtait lorsqu’il fallait nous déplacer pour des vacances ou... dans mon plus lointain souvenir  nous mettre à I’abris a la fin de la guerre.

                J'avais 10 ans, en 1944, après l’horrible bombardement de l’Economique le 26 mai où il vit mourir plusieurs de ses collègues qui n’avaient pas eu le temps de se mettre aux abris, il arriva à la maison, comme un fou s’étant sorti des décombres de l'Avenue Berthelot ravagée... "Il faut partir tout de suite nous dit-il... Si mes souvenirs sont exacts, nous allons prendre le petit train de l'Est pour rejoindre une ferme aux alentours de Crémieu. Arrivés devant l'hôpital de Grange Blanche c'est une file ininterrompue de véhicules de tous genres qui trans-portent des blessés ce jour là il y eut des centaines de morts a Lyon.

 

Le bombardement de Lyon

le 26 Mai 1944

 

                Pour préparer le débarquement qui allait intervenir le 6 Juin 1944, les alliés multiplièrent les bombardements. Le vendredi 26 mai 7 à 800 appareils vinrent d’Italie, un groupe vers Grenoble et Chambéry, un second vers Saint-Etienne, le troisième - environ 400 appareils - vint sur Lyon.

                Les objectifs étaient la gare de Montagny,  le triage Perrache-Guillotière et la gare de Vaise. Les deux premières gares ne sont pas touchées, mais tous les quartiers de l’avenue Berthelot, sur une longueur de 3 à 4 kms en direction de Perrache, ont été sérieusement endommagés.

                Lourd bilan :700 morts, 1400 blessés, 25000 sinistrés, 281 immeubles détruits, 1114 inhabitables.

 

 

                Nous sommes bouleversés et arrivons à quitter la ville. Nous allons passer l'été avec les familles Lavenir et Gaudin, (frère et soeur de maman)

ainsi que des amis, la famille Leroy. Il devait y avoir une vingtaine d'enfants chez nous, maman attendait Jacques (le 9ème) pour le mois d'Octobre. Fin Août, je suis prise d'une crise d'appendicite il faut me ramener a Lyon pour l'opération. Mes parents m'ac-compagnent par ce petit train de l'Est et me déposent aux Charmettes, clinique de l'ami de papa chirurgien le Dr. FRIESH.

                Mais la libération de Lyon est à son apogée et la guérilla fait rage à Villeurbanne. Quatre jours après mon intervention mes parents arrivent à venir me chercher et m’emmènent dans une remorque. En évitant les tirs sur l'avenue Lacassagne nous attei-gnons la gare où nous prenons ce petit train de bois hélas une heure plus tard il s’arrête définitivement à la hauteur de... Genas ! Papa et maman vont me traîner à pieds jusqu’à Crémieu, (30 Km.) en tendant un drapeau blanc car nous passons la ligne entre les Allemands et l'armée de libération. Les avions nous rasent et ma pauvre mère enceinte fera toute cette route.

                Enfin à l'entrée de Cremieu, nous croisons les premières Jeeps des Américains. Ils nous lancent cigarettes, chewing-gum, Nescafé ... Nous sommes sauvés Un taxi nous ramènera jusqu'à la maison de "Mongodet" ou nous attend anxieuse toute la famille.

                Après cet épisode que je n'oublierai jamais Papa remis en état sa vieille "Chenard et Walker" qu'il fit transformer en camionnette.

                L'été suivant ce fut l'expédition pour nos vacances dans le Jura, à Prénovel ; J'ai souvenir d'un voyage qui dura une journée entière avec de nombreuses crevaisons. Un séjour très pluvieux, mais ou a la moindre éclaircie nous enfourchions nos vélos, les plus grands tirant les remorque pour transporter les plus petits, et après 6 à 7 Km de traversée d'un magnifique forêt, nous nous baignions dans le lac Chalin, je crois.

                Enfin les temps devenant meilleurs, papa aimant beaucoup l'océan, nous y emmena en vacances chaque été, quelque soit l'âge des nouveau-nés. Il acheta cette fourgonnette qu'il nomma " Le Car à Bis". Il l'aménagea afin d'y transporter les 10 à 14 enfants que nous étions, ainsi que les marabouts, lits de camps... etc (achetés une peccadille aux surplus américains  qui allaient nous permettre de camper.

                Il faut dire que rien n'était improvisé : chaque année au printemps, nos parents partaient en train et arrivés près de l'océan, ils louaient des vélos pour prospecter la côte afin de trouver une location le plus près de l'eau. Ils demandaient aux propriétaires une cuisine et une chambre, mais aussi un terrain attenant afin d'y monter une tente pour les enfants. Ceci se trouvait assez facilement.

                Je vous laisse deviner la surprise des propriétaires lorsqu'ils nous voyaient sortir un à un de la fourgonnette et le soir même découvrant le village de toile ou s'installaient filles et garçons, la chambre étant réservée aux parents et au dernier-né nourri souvent encore au sein.

                Nous avons passé ainsi des vacances merveilleuses grâce à l'esprit d'entreprise de papa. Citons Quiberon, L'île d'Oléron, Guétary au pays basque, Sion sur l'océan.

                Plus tard il emmena les plus jeunes (car les aînés se mariaient et quittaient le nid) dans plusieurs maisons familiales Renouveau toujours situées à l'océan.

                Puis ce fût l'acquisition dans les années 54-55 de deux terrains à Sanary sur lesquelles il fit construire un petit mas nommé " La Ribambelle".

                Dans cette grande pinède chaque été fleurissait de nombreuses installations de tentes, les fameux marabouts y finirent leurs temps Un "garage" servait de logement au ménage ayant les plus jeunes enfants.

                La famille agrandie maintenant par les nouveaux mariés et les jeunes enfants se retrouvaient pour de mémorables tablées, des parties de ping-pong, de volley-ball ou de pétanque.

                Le centre d'intérêt de chaque jour étant bien sûr la baignade où chaque "novice" était déclaré "nageur " lorsqu'il atteignait le rocher sortant de l'eau au bout de la crique. Nous repensons toujours à la joie de Brigitte heureuse comme un poisson dans l'eau, plongeant et replongeant dans les vagues.

               

               

                Combien de nous ont appris à naviguer sur le 420 de papa, et combien de parties de pêche se sont terminées par des fritures que nous dégustions tous ensemble.

                Cette animation dans notre pinède intrigua la force publique qui vint demander des compte aux parents ... il fallu nommer le lien de parenté de chaque personne car ces agents ne voulaient pas croire qu'il pouvait exister une famille aussi nombreuse ... ils pensaient que papa exploitait un camping.

                Rappelons pour finir ce chapitre vacances que c'est en juillet 1980 que nous apprenions à Sanary que Maman était atteinte d'un cancer du foie qui devait l'emporter le 20 Septembre. Tout l'été nos familles se sont succédées pour l'entourer et ce souvenir très fort,

symbole de l'unité de tous, nous restera toujours présent.

...Ce fut la fin des jours heureux...

 

       T

jours heureux...

 

       T