ISNARD - S comme ...
SOUVENIRS ; le grand frisson
Quelques
heures… un bref instant parmi les quatre ans de l’occupation allemande.
Moment
d’inquiétude folle dans une période
folle où ces moments faisaient partie du quotidien avec l’humiliation et les privations.
Hélène (fille
de Gaston, fils d’Eugène) dans ce récit témoignage, nous fait vivre un reflet
d’une époque pas si lointaine où un dictateur régnait sur l’Europe.
Un soir d’été 1943 au château de Béricourt à ROOST-WARENDIN. Dans le département du Nord. Gaston et Huberte vont à vélo passer la soirée chez monsieur et madame Dessagne, du service commercial des Houillères. Ils doivent rentrer avant 22 heures, début du couvre-feu. Le château est à 3 kilomètres ; il est partagé en trois logements.
Tout à coup les Allemands arrivent, font sortir tout le
monde ; il y a là la famille Brion (ingénieur à la fosse 9), les Blomard
(ingénieur-adjoint à la fosse 9) et un garde des mines, logé dans l’un des
pavillons d’entrée. Les Allemands regroupent les hommes et les emmènent au bord
des douves envahies de ronces.
- Vous allez sortir ce qui est caché là !
En effet il y a là des containers, longs comme des canoés,
qu’ils ouvrent : ils sont pleins d’armes. Tous pensent que c’est la fin
pour eux… La nuit passe pleine d’incertitude. Après vérification des identités
et des domiciles, Gaston et Huberte sont relâchais à 5 heures du matin, avec un
sauf-conduit et l’ordre de se taire. Seule avec les petits, j’étais inquiète de
les savoir dehors
Tous les autres seront emmenés à Kommandantur de
Douai ; les dames seront relâchées le jour même, les autres resteront
prisonniers plus d’un mois. Le garde, et les membres du réseau Delajus seront
déportés et ne reviendront pas. Le pavillon fut brûlé
A noter que nous étions « zone interdite » avec
une ligne de démarcation à Amiens. Nous étions annexés à la « Grande
Flandre », dessinée par Hitler ; c’est pourquoi nous avons parfois
été ménagés.
Il nous arrivait aussi d’être unis : le couvre-feu à 18
heures dans le Nord, alors qu’il était à 20 heures dans le Pas-de-Calais.. ou
l’inverse ! La limite des départements passant au milieu de la route
devant chez nous faisait une pointe. Une voisine d’en face qui devait coudre
pour nous trois morceaux de tissus pour en faire un drapeau voulut bien les
emporter dans son sac, mais ne voulu
pas rapporter l’objet fini… à cause de 50 mètres…
La libération se fit en douceur. Un soir nous avons vu des
tombereaux conduits par des hommes aux yeux bridés portant des bonnets à
oreillettes ; les chevaux se traînaient et des vaches étaient attachées
derrière.
Le lendemain, à 5 heures, il y avait un drapeau à la
cheminée des Engrais Dauby…qui disparut… puis revint à nouveau…
Une voisine avait récupéré dans son jardin un petit bidon
qui était en fait une bombe incendiaire. Elle voulut remplir le briquet de son
mari ; elle fut entièrement arrosée d’essence et son mari brûla comme une
torche. Je revois papa avec ses ciseaux pliants de poche découpant le corset au
milieu des flammèches qui lui léchaient les doigts. La dame mourut le
lendemain…
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