25 Septembre 1915, une journée deboucherie ordinaire |
Ce texte est la copie intégrale (sauf le titre ci-dessus que je revendique), du Journal de Marche du 63ème Régiment dInfanterie, pour la première journée de la grande offensive menée en Artois du 25 septembre au 10 octobre 1915 Elle illustre bien lhorreur au quotidien que fut la Première Guerre Mondiale. Cest au cours de cette journée que Raymond ISNARD fut fait prisonnier
25 Septembre 1915
Les 3 bataillons du 63° se présente aux heures indiquées par lordre Général, à lentrée des boyaux de Lille et du Génie. Ils occupent leurs emplacements dattaque avant le lever du jour. Ils sont répartis en 4 vagues dans lordre ci-dessous !
1°btn-Cdt Bonnal 2°btn-Cdt Dessatre 3° btn-Cdt. Baston
1e Cnie 4e Cnie 5° Cnie 8° Cnie 11° Cnie 9° Cnie
3e Cnie 2e Cnie 7° Cnie 6° Cnie 12° Cnie 10° Cnie
Ils occupent les emplacements indiqués sur lordre Général ; 1ère vague dans la parallèle de départ ; 2ème vague, dans la tranchée avancée ; 3ème vague dans les boyaux, entre la tranchée de doublement et la ligne avancée, 4ème, dans la tranchée de doublement.
Vers 3 h 30, lartillerie lourde ennemie exécute sur les emplacements occupés par le 63°, un tir de barrage dune violence inouïe. Le sous-lieutenant Gobard de la 2e compagnie est blessé, un assez grand nombre dhommes sont tués ou blessés.
Bientôt lartillerie française ouvre le feu sur les tranchées allemandes et le village de Thélus. Le glacis de 3 kilomètres qui sépare nos tranchées avancées de la crête de Thélus, est battu par nos pièces lourdes et nos pièces de campagne. Un certain nombre de tranchées ennemies sont endommagées, mais de nombreux réseaux de fils de fer à demi dissimulés dans lherbe, demeurent intacts. Quelques brèches souvrent dans la tranchée des punaises et la tranchée des cafards (1ère et 2ème lignes allemandes). Lennemi qui prévoit lattaque nen reste pas moins sur ses positions.
A partir de 11 h 15, les parallèles de départ, les sapes y conduisant et la tranchée avancée sont violemment bombardées et deviennent inutilisables en un grand nombre de points.
![]() |
Théâtre dopérations des batailles dArtois |
Lheure H est fixée à 12 h 25.
Midi 25 : Toutes les vagues sélancent hors des tranchées avec le plus bel entrain, chefs de bataillons, commandants de compagnies et chefs de sections en tête. Les hommes marchent au coude à coude dans un ordre parfait.
Au bataillon de gauche, les deux premières vagues, sous les ordres du Commandant Bonnal, du capitaine Paté, des sous-lieutenants Bonnetaud, Verger et Valteau, gagnent dun seul élan la ligne ennemies (tranchée des punaises). Le commandant Bonnal tombe mortellement atteint de plusieurs balles. Les hommes repartent immédiatement, dépassent la deuxième ligne (tranchées des cafards), enlèvent de vive force une troisième tranchée. Arrêtés alors par un réseau de fils de fer épais et dissimulé dans lherbe, pris de flanc par des feux dinfanteries et de mitrailleuses, qui partent de la route de Lille et du point 102, ils sarrêtent et organisent le terrain conquis.
Les 3ème et 4ème vagues partent immédiatement derrière les deux premières. Les capitaines Barthélémy et Mohr, le lieutenant Thaury, le sous-lieutenant Randoux, les entraînent dans un magnifique élan.
Elle rejoignent les deux première vagues, mettent hors de combat les allemands qui tentent de résister, envoient les prisonniers à larrière et commencent à établir des barrages. La section de mitrailleuses du sous-lieutenant Deschamps sinstalle dans la tranchée des punaises et ouvre le feu sur les lignes allemandes quelle prend denfilade.
Presque aussitôt un combat violent sengage sur les positions conquises. Des grenadiers allemands abondamment pourvus de munitions, attaquent les barrages ; de tous les boyaux lennemi débouche en masse et se rue à lassaut.
Les soldats du 1er bataillon font une résistance énergique ; après avoir épuisé leurs propres munitions, ils accablent lennemi de grenades allemandes trouvées dans les tranchées. Le Commandant Paté, seul avec un groupe dhommes, presque cerné par lennemi, se bat au premier rang et encourage ses hommes. . Il tombe grièvement blessé, de même le sous-lieutenant Verger, ladjudant Gros, le capitaine Mohr, le lieutenant Randoux.
Pendant plus dune heure, le combat se poursuit acharné ; obligé de céder du terrain, le 1er bataillon se replie en bon ordre, établissant des barrages, exécutant au commandement des feux par salves et infligeant de grosses pertes à lennemi. Le lieutenant Thaury, le sous-lieutenant Bonnetaud tombent à leur tour grièvement blessés. Resté seul officier, le sous-lieutenant Valteau prend le commandement du bataillon et le ramène dans nos lignes.
Au bataillon du centre, les deux premières vagues sous les ordres des lieutenants Desquaires et Meynieux, des sous-lieutenants Martegoutte, Boutant, Choupinaud, Régnier, vont, dun seul élan à la tranchée des punaises, sous un feu terrible. Les Allemands ont garni leur parapet : un rang de grenadiers et un rang de tireurs. Le Lieutenant Martegoutte est tué, le sous-lieutenant Choupinaud grièvement blessé. Une lutte terrible sengage à la grenade et au fusil de chasse. La section de mitrailleuses du sergent Redon réussit à déboucher, se met en batterie dans un trou dobus, et fauche les soldats ennemis.
Les 3ème et 4ème vagues soutiennent les deux premières et ouvrent un feu nourri sur lennemi. Le lieutenant Ménieux est blessé sur le parapet de la tranchée ennemie en dirigeant le combat.
Le bataillon de droite, commandant Baston en tête, sélance à lassaut avec un entrain admirable. La première vague aborde la tranchée allemande, mais les réseaux de fils de fer sont très incomplètement coupés, obligeant les sections à les contourner pour chercher des passages. Les assaillants sont accueillis par un feu de mousqueterie terrible. Le commandant Baston,le capitaine de Raimond tombent en arrivant sur les tranchées allemandes que garnit un nombre insoupçonné de défenseurs.
Quelques fractions sous les ordres du lieutenant Mays, des sous-lieutenants Hugonnaud, nen franchissent pas moins la première ligne. Les sous-lieutenant Malet et Perette sont grièvement blessés dans le corps à corps. Un combat terrible sengage à la grenade et au fusil. Le capitaine Grenet, le lieutenant Mays, les sous-lieutenants Pearon et Taguet, les adjudants Bruyas et Pazat tombent à leur tour, gravement blessés.
Maintenus par les officiers et gradés survivants, les soldats du 3ème bataillon résistent sur place ; quelques-uns uns ne pouvant trouver de passage dans les fils de fer, ne sen jettent pas moins en avant dans un élan héroïque et les vêtements en lambeaux, pénètrent dans la tranchée allemande. Des groupes entourés de toutes parts refusent de se rendre et souvrent un passage à la baïonnette.
Le sous-lieutenant Brandin met sa section de mi-trayeuses en batterie devant le réseau ennemi et abat une centaine de soldats allemands dans un boyau quil prend denfilade.
A 13 h 15, le colonel commandant le 63ème, qui se tient en tête de la sape 19 ordonne une reprise de loffensive. Cette tentative sera reprise à 14 h 15 mais en vain, les Allemands garnissent leurs tranchées en nombre considérable et malgré les lourdes pertes quils ont subies, ils réussissent par la violence de leurs feux à arrêter la progression du 63ème..
Le régiment perdait dans cette journée, 2 chefs de bataillon, 8 commandants de compagnies, 31 chefs de section, un millier dhommes environ. Mais une grosse partie des forces ennemies engagées dans la région dArras avaient été retenues sur les emplacements attaqués par les soldats du 63ème. Elles avaient subi des pertes très élevées..
A 17 h, le 78ème dinfanterie reçoit ordre de relever en première ligne, le 63ème. La relève seffectue à partir de 18 h. Les 2ème et 3ème bataillons se rassemblent dans la tranchée de doublement. Le 1er bataillon sous les ordres du sous-lieutenant Valteau, resté seul officier se reforme aux abris Ripert et de la Sablière.